La motion de censure, instrument de contrôle de l’Assemblée nationale sur le gouvernement, a fait son retour sous les projecteurs en décembre 2024. Mais en quoi ça consiste exactement ?
La motion de censure : une arme politique
Prévue par la Constitution de 1958, la motion de censure permet aux députés de provoquer la démission d’un gouvernement. Elle prend deux formes : la motion spontanée (article 49.2) que les députés initient eux-mêmes, et celle provoquée (article 49.3), déclenchée par le Premier ministre lorsqu’il engage la responsabilité de son gouvernement sur un texte de loi.
Dans les deux cas, l’objectif est le même : obtenir une majorité absolue des voix à l’Assemblée nationale pour renverser l’exécutif, du premier ministre à tout son gouvernement. Cependant, cet outil a rarement été couronné de succès. Depuis 1958, seules deux motions de censure ont été adoptées.
Le 5 octobre 1962, l’Assemblée nationale adopte une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou, en réponse à la décision du général de Gaulle de réviser la Constitution via l’article 11.
4 décembre 2024 : un cas inédit
La dernière motion de censure adoptée, votée le 4 décembre 2024, s’est attaquée au gouvernement de Michel Barnier. En jeu : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, imposé via le controversé article 49.3. Sur fond de tensions politiques, le vote de la motion de censure a conduit à la démission du gouvernement.
Un symbole d’opposition
Si la motion de censure est souvent perçue comme inefficace, elle demeure un moyen crucial pour l’opposition d’exprimer son désaccord. Plus qu’un simple vote, elle incarne un débat sur les orientations politiques d’un gouvernement.
Comment ça marche exactement une motion de censure ?
La motion spontanée
La motion de censure spontanée, régie par l’article 49 alinéa 2 de la Constitution, naît de l’initiative des députés eux-mêmes. Pour lancer cette procédure, au moins 10 % des membres de l’Assemblée nationale – soit 58 députés sur les 577 actuels – doivent signer la motion. Ce seuil vise à garantir qu’une tentative de renverser le gouvernement repose sur un soutien significatif.
Une fois déposée, cette motion fait l’objet d’un délai obligatoire de 48 heures avant le débat et le vote. Ce laps de temps vise à permettre aux députés de réfléchir sereinement et au gouvernement de tenter de convaincre les indécis. Le Règlement de l’Assemblée nationale fixe un plafond supplémentaire : le débat et le vote doivent se tenir dans les trois jours de séance suivants.
Pour être adoptée, la motion doit obtenir la majorité absolue des voix des membres de l’Assemblée nationale, soit 289 votes favorables nécessaires. Ce seuil élevé a été conçu pour éviter qu’une majorité simple ou des abstentions massives ne suffisent à faire chuter le gouvernement. Autrement dit, seules les voix favorables comptent : les abstentions et absences renforcent implicitement le gouvernement.
La motion provoquée
De son côté, la motion de censure provoquée est directement liée à l’article 49 alinéa 3, souvent raccourci en « 49.3 ». Ici, l’initiative vient du Premier ministre, qui engage la responsabilité de son gouvernement sur un texte de loi. Si aucun contrepoids parlementaire n’apparaît dans les 24 heures suivant cet engagement, le texte est automatiquement adopté sans débat.
Pour contrer cette procédure, une motion doit être déposée, réunissant également au moins 10 % des députés (58 signatures). La discussion et le vote suivent les mêmes règles que la motion spontanée : un débat en séance publique, tenu dans un délai défini, et l’exigence d’une majorité absolue de 289 voix pour que la motion soit adoptée.
La spécificité de cette motion provient de ses effets. En cas de rejet du texte par motion de censure, non seulement le gouvernement est contraint à la démission, mais le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité est également abandonné. Toutefois, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l’usage de l’article 49.3 est limité à un texte par session parlementaire hors lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
La majorité absolue correspond à 289 votes favorables sur 577 députés. Seuls les votes « pour » sont comptabilisés. Abstentions et absences soutiennent indirectement le gouvernement.
Au moins 10 % des députés doivent signer la motion, soit 58 signatures sur 577. Ce seuil s’applique aussi bien aux motions spontanées que provoquées.
L’adoption d’une motion de censure entraîne la démission du gouvernement. Dans le cas d’une motion provoquée, le texte de loi concerné est également rejeté.
Non, seules deux motions de censure ont été adoptées depuis 1958 : en 1962 contre Georges Pompidou et en 2024 contre Michel Barnier. C’est un événement rare.
Bien qu’elle échoue souvent, la motion de censure permet à l’opposition de marquer son désaccord et de rendre publiques ses critiques envers le gouvernement.
De nombreux pays parlementaires, comme l’Allemagne ou l’Espagne, ont aussi des mécanismes similaires, bien que leurs procédures spécifiques et leurs exigences varient.